Vous avez dit Frans Post ? Van den Beuvron zu den Rio San Francisco

Kath Aastrov | 09/01/2009






Flamand ou Lamottois ? Plat pays et pays plat... la thèse ici proposée est que Frans Post (en réalité un pseudonyme de "François Postre", dit "Fanfoué") n'a jamais quitté la Beauce, et qu'il ne connut guère de plus fol exotisme que celui de Lamotte-Beuvron, dont les paysages servirent de support aux rêveries d'un homme déçu : en fait de partir à la conquête du "Nouveau Monde", François Postre passa plus de la moitié de sa vie comme palefrenier au relais de poste du bourg.


Un gris suspect

Nous avons cherché par recoupement à nous assurer que nous n'étions pas le jouet de notre perception, et donc d'une subjectivité envahissante.

L'article de Wikipedia1 souligne :

"Une partie de ses tableaux furent peints sur place et les autres après son retour en Hollande. Il est cependant curieux de constater que sur les tableaux peints sur place, les ciels sont étrangement gris, alors que sur les tableaux peints en Europe, les ciels sont bleus et les palmiers triomphants."
Voilà qui installe un sérieux doute et semble corroborer notre hypothèse : nous nous proposons de mettre celle-ci à l'épreuve d'une des plus illustres peintures de Post, celle qu'à son retour du Brésil, il offrit à Louis XIV. L'original peut être admiré parmi les peintures hollandaises du Louvre, où son surgissement au détour d'un renfoncement garantit un effet que la matière picturale à elle seule ne saurait expliquer.

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L'animal-clé

Mise à part une étique cactée, les abords boueux du fleuve - ou plutôt, foin du Rio ! - de la rivière (le Beuvron) n'abritent ici pour tout être vivant qu'un... ragondin ? Cabiais ? Rat de travers, plutôt. La neutralité grisâtre du paysage baigné de lumière glauque ne contient aucun repère d'échelle, de sorte que le rongeur de taille probablement modeste, se fait générique, puis monstrueux après un temps d'observation, si on le confronte aux maigres éléments végétaux qui l'entourent.

Le seul autre élément remarquable relevant quelque peu la platitude de la composition réside dans l'objet mystérieux, dépouille sanguignolante ou fleur en putréfaction du premier plan ; cependant, trop floue pour l'oeil, celle ci se détache à peine de l'animal du second plan (si tant est que l'on pût déterminer des plans avec certitude).

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Une vie volée

Que dire encore de celui qui fut aussi l'ami d'Albert Eckhout (Bébert Les Croûtes, de Mitouflin-sur-Gravotte, rencontré lors d'une foire) ?

L'histoire s'est efforcée d'effacer avec soin les scories d'une existence assez fade, dont la dimension fictionnelle, pour ne pas dire outrageusement fantasmée, n'est pas le moindre des paradoxes.

Regardons l'oeuvre de plus près encore : le détail qui sans conteste établira la vérité définitive du destin modeste, et de la gloire très locale du Beuvronisme triomphant dans la peinture de paysage, réside dans cette petite tache brun-bleuâtre, visible dans le ciel, légèrement à gauche au-dessus du hameau au sommet de la colline. L'analyse spectrographique atteste en effet son origine vineuse, plus précisément un rouge épais, réputé riche en dépôts taniques, dit "Coteau des Graviots", dont les dernières bouteilles recensées furent bues au banquet du mariage de Marie d'Hanebatté (issue de la noblesse terrienne locale), du vivant de Frans Post.

Les deux comparses se plaisaient à arroser de concert des joutes picturales, souvent exécutées sur le motif. Or, en janvier 1793, lors de l'arrestation dans leurs propres caves des comte et comtesse d'Hanebatté, on retrouva trois toiles et un dessin attribués à la main de Frans Post, et portant les initiales A.E. par-dessus des zones effacées et maculées de traces de vin, encore, pliés grossièrement, le tout calant un foudre.

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Pour conclure

Loin du Brésil, et même assez de la Hollande, il nous faut désormais regarder d'un autre côté. Est-ce de l'art ou du cochon ? La science venant au secours du beau a sonné l'heure au laid de Post.

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Illustration

Frans dit Post : Le Rio San Francisco (Paris, Musée du Louvre)
repro.: le Rio San Francisco.

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Bibliographie

. Wikipedia : "Frans Post" - http://fr.wikipedia.org/wiki/Frans_Post.
. BOOT VAN MEULEN, Nils : Van den Beuvron zu den Rio San Francisco. Amsterdam, 1714
. BIGNY, Bo : Nuages sur le Nil, peinture fluviale et fluctuations de l'art flamand. Paris, 1922
. KLING, K., BLUNT, T., and SHARP, C. : Remembering Brasil. Oxford, 1992
. ECKHOUT : Voir - journal d'une amitié artistique. Orléans, 1808

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